Un
siècle d'industrie
de
Marc Dugowson
en mars 2005
mise en scène Véronique Pierre Claude
Affiche
Le
XX ème siècle, que nous venons de quitter nous laisse
désemparés ; ce siècle de progrès scientifiques,
techniques, médicaux, Marc Dugowson nous le donne à
voir furtivement comme par-dessus l'épaule : voyez-le ce
siècle qui se détache de nous, regardez, constatez.
Ni pathos, ni lamentations, ni jugement. L'humour ? Il est déjà
dans le titre : Un Siècle d'industrie. Siècle qui
démarre avec le gaz moutarde, qui culmine avec le Zyklon
B et qui nous laisse face aux armes nucléaires, chimiques,
bactériologiques, avec en prime la ricine ou l'anthrax facilement
exportables. (On peut même vous le livrer par la poste sur
simple demande.)
Marc Dugowson met en scène le nazisme et les nazis, sans
nous montrer des forcenés, des agités, des délirants.
Non, juste des hommes et des femmes presque comme vous et moi, soucieux
de leur avenir, luttant pour obtenir un marché, serrant les
prix, travaillant dur pour respecter les délais, tout en
se jetant de temps en temps l'un sur l'autre comme dans n'importe
quel vaudeville. En travaillant sur le scénario d'Amen avec
Costa-Gavras j'ai pu vérifier avec un certain vertige combien
les vrais nazis, les convaincus, les spectaculaires étaient
dur à trouver.
Chacun,
chacune, abat avec plus ou moins de zèle sa part du travail
commun afin d'augmenter la production, le rendement. Quel est le
but de leur industrie ? La fumée noire qui sort de la cheminée
? C'est ainsi dans les pays totalitaires. On ne peut s'opposer alors
on travaille, on n'a plus d'opinion, on adhère, on se fond
dans la masse. C'est ce que montre avec éclat Un siècle
d'industrie, ce climat de soumission sans passion. Dès lors
l'économie des moyens, la parole brève et rare, sans
tunnel ni scène d'exposition.
Pourtant
il faut être clair, il faut presque donner un cours d'histoire.
Le tour de force de Marc Dugowson, sa maîtrise, c'est de rester
limpide tout en restituant à travers la brièveté
voulue des dialogues ce climat propre à tout état
totalitaire, ce manque d'air, cette tension oppressive, cette parole
chuchotée qui ne sert qu'à masquer, qu'à protéger
le locuteur.
On
a beaucoup dit, on a beaucoup craint qu'après la disparition
des derniers survivants et de leurs enfants - moi par exemple ou
le père de Marc - il n'y ait plus personne pour dire, pour
continuer. Mais Marc prouve que nous pouvons disparaître,
pas tranquilles -qui disparaît tranquille ! - non pas tranquilles,
mais que nous pouvons disparaître, que l'écho de la
catastrophe ne s'éteindra pas avec nous. Il donne à
cet écho un son nouveau, original, radical, brutal, une écriture
que je qualifierais pour simplifier d'écriture adulte par
opposition à la nôtre, celle des enfants.
Un siècle d'industrie est une pièce que j'aurais aimé
avoir écrite mais je ne le pouvais sans doute pas, il fallait
que ce soit un auteur qui n'ait pas les deux pieds dans le XXe siècle.
Le courage de Marc, sa solitude, son exigence, sa lucidité,
font de lui un auteur du XXI ème siècle. Vous qui
vivez et vivrez dans ce XXI ème siècle, suite absurde
et logique de notre siècle d'industrie, que pourrez-vous
dire à vos spectateurs ?
L'oeuvre
de Marc Dugowson apporte une réponse. Je me réjouis
de voir publier sa pièce, je me réjouirai davantage
encore quand elle sera montée. Parmi la pléthore d'ouvrages
qui cherchent à arrondir les angles, son Siècle d'industrie
se révèle une entreprise qui n'a rien à voir
avec l'industrie, fût-ce celle du spectacle.
Jean-Claude
Grumberg, mars 2003
Préface
de " Un siècle d'industrie " (Collection des quatre
vents, L'avant-scène théâtre)
Biographie
Après dix années de pratique théâtrale,
Marc Dugowson se consacre exclusivement à l'écriture
dramatique. Il est l'auteur d'une douzaine de textes dont plusieurs
ont été représentés ou radiodiffusés,
notamment Revue, Des biens et des personnes, La Société
des cendres. En 2002, à la suite d'une commande de Paul Golub
et de la compagnie du Volcan Bleu, Celle qui courait après
la peur est créée au Théâtre de l'Union
- CDN de Limoges. La pièce sera reprise à Paris fin
2003. La même année, l'auteur, boursier Beaumarchais,
achève Dans le vif 90/19, une pièce sur le parcours
d'un homme plongé dans l'inhumanité du meurtre de
masse de 14-18.
Un siècle d'industrie, traduit en anglais et en anglo-américain,
a obtenu l'aide à la création du ministère
de la Culture
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